Après cinq ans, une nouvelle interview de la part de « Glocal », l’organe du Groupe Eurologos, à son fondateur et auteur de ce Blog qui a laissé – à 74 ans ¬– le volant de son entreprise au niveau même international à sa fille Odile. Le temps est gentilhomme et sert à valider la vérité des idées exprimées.

Notre ère est très accélérée : votre interview, monsieur Troiano,  que nous avions publiée et que vous aviez également reprise sur ce Blog, vaut la peine d’encore être entendue. Aussi pour vérifier vos convictions qui étaient très nettes. Et radicales, aussi bien sur le plan professionnelle que sur le politique et, surtout, sur le globalement culturel. Entre-temps vous avez beaucoup publié : trois nouvelles, un roman en français traduit en italien, outre plus de cent-cinquante posts de plus de mille mots chacun traitant l’actualité internationale et de l’Église. Nous pouvons ainsi revoir, dans le rétroviseur désormais déjà historique, les fondements de votre pensée et e votre action : dans notre monde où il est autant rare que nécessaire de toujours réfléchir.

  • Le premier point que vous aviez posé en 2013, était que la crise économique, de laquelle toute le monde s’accorde à confirmer qu’on est définitivement sorti, était provoquée par la « monstrueuse dénatalité » et non par les « surprimes » américaines…
  • Tout d’abord, c’est toujours faux que l’Occident est vraiment sorti de sa crise. Il est vrai qu’on est sorti de celle récessive mais on est très loin d’avoir même récupéré le gigantesque déficit – économique mais, encore plus important, culturel – cumulé au moins dans les derniers dix En effet, on est en train de faire face – non seulement en Occident – à une pénurie toujours horrible à cause de la même dénatalité. Que je dénonçais il y a plus de vingt ans (dans un de mes livres et plusieurs articles de 1994).
    Deuxièmement, non seulement tout le monde ne s’accorde pas qu’on est sorti de la crise (loin de là), mais la cause de sa gravité océanique n’a même pas été repérée : la dénatalité, sauf pour des rares spécialistes, n’a pas été définie – presque avec éclat – comme cause déjà vérifiée en tant que catastrophe depuis deux générations. On a, en effet, enfanté depuis plus de cinquante ans pour à peine la moitié du naturel développement minimum : jusqu’à 1,3 naissances à peine par couple de moyenne !
  • Mais la crise è désormais terminée, tous les paramètres économiques le confirment.
  • Pas du tout. Après la première phase fatalement récessive, on continue à patauger, depuis des années et malgré les promesses réitérées des politiciens, avec des taux dits de « reprise » (de surcroît très fragiles), mais de crise véritable. En effet le très faible et horrible taux (disons) de « fertilité », depuis plusieurs années, n’a pas vraiment disparu pour continuer à être stagnant dans la pauvreté tragiquement déficitaire.
  • On pourrait dire comme on le fait toujours : « Pour une fois qu’on a adopté une véritable bonne solution avec cette dénatalité contre la surpopulation de la planète… »!
  • Le deux milliards, peut-être plus, artificiellement de non nés dans le monde depuis plus d’un demi-siècle, c’est-à-dire presque quatre fois la population européenne (!), ont créé une monstrueuse pénurie de la demande des marchés mondiaux qui est à la base de la véritable et conséquente crise économique. La massification des anticonceptionnels préventifs, les nombreux milliards de pilules dits du jour aprèset les législations légalisant (et qui ont promus) d’innombrables avortements banalisés ont créé une hécatombe (aussi assassine et arbitraire !) qui a osé bouleverser le développement harmonieux des marchés de la demande : dont personne parle.
    Par contre on parle beaucoup des phénomènes absolument marginaux (comme les subprimes qui ont été rapidement réabsorbées) avec le résultat  de détourner la simple et évidente vérité.
  • Mais alors comment pensez-vous que l’on doit procéder ?
  • On ne pourra sortir vraiment de la crise qu’après qu’on aura recommencé à enfanter avec une moyenne d’au moins le double de l’actuelle moyenne par couple. Et après que ces premiers enfants, enfin laissés naturellement libres de naître, seront devenus des consommateurs, tout au moins des jeunes adultes.
  • Toutefois, tout le monde s’accorde à affirmer qu’il y a trop de monde sur la Terre.  
  • C’est toujours faux. Très faux ! En 2015 déjà, la « petite planète Terre », que le vulgaire scientiste (non scientifique !) Malthus affirmait « être incapable de nourrir le milliard des populations mondiales » de son époque (en debout 1800), a produit une fois et demie plus que le besoin de nourrir les habitants actuels de tout continent. Lesquels, comme l’on sait, ont augmenté de plus de sept fois par rapport aux petites idées rationnalistiques (non rationnelles !) du très faux futurologue anglais. Cela en dit long sur les incalculables possibilités d’augmenter spontanément les populations mondiales et les relatives capacités de les nourrir, malgré les guerres, les gaspis énormes et les disettes de toujours !
  • Mais alors, comment vous expliquez cette contradiction colossale et antagoniste dans laquelle on croit ?
  • On peut l’expliquer par rapport à plusieurs causes qui vont de la stupidité humaine perpétuellement conformiste aux idées reçues, du manque généralisé de scientificité, de ce qu’on appelle et que déjà j’avais défini l’abrutissement hédoniste clochardisé des masses soumises à la pensée unique fonctionnelle myopement au pouvoir)…
  • Mais comment ça fait-il que les scientifiques véritables ne disent rien.
    Au contraire. Même l’Église a toujours critiqué le malthusianisme. Ils ont tous été réduits au silence ou distraits (via la censure) par les pouvoirs qui manipulent les médias ! Il y a deux ans même un groupe de scientifiques qualifiés anglophones s’est déchaîné – comme dernier d’une très longue série – contre les malthusiens et les néo-malthusiens qui sont nombreux, actuellement, même à l’intérieur de l’Église catholique, avec ses prélats !
    En avez-vous entendu parler parmi les logorrhées infinies du bla-bla télévisuel intellectoiloïde et servile ?
  • Si cela est vrai, pourquoi serait-on soumis à autant d’irrationalité et de folie même sur le plan économique ?
  • Cela est la bonne question que l’on évite soigneusement de se poser. Par ailleurs on sait que les phénomènes pratiques relèvent toujours d’erreurs théoriques. Car nous vivons dans l’époque dite du réductionnisme : on réduit toutes les questions à l’immanence de ce qu’on appelle l’évidence superficielle de la sécularisation. Du matériel, soi-disant concret et tangible. Ainsi, chaque entreprise, de la plus grande à la plus petite, peut produire tranquillement plus que le double de ce qu’elle arrive péniblement à facturer, dans le contexte plutôt misérabiliste actuel.
  • Vous vous étés déchaîné dans vos déclarations contre l’étatisme comme « le cancer le plus mortel » de notre ère. Êtes-vous toujours convaincu du fondement de ce diagnostic ?
  • Non seulement tout le monde peut le vérifier directement et facilement, mais j’ai eu moult occasions d’en constater les vraies racines mêmes et surtout religieuses de cette tragique catastrophe, presque invisible dans ses apparents même faux intérêts individualistes.
  • Par exemple ?
  • Ce que je pourrais pertinemment ajouter aux analyses précédentes c’est que l’étatisme ne concerne pas que la dévastation économique, comme un épiphénomène de la politique. À l’origine (mais non seulement), il faut considérer l’étatisme comme une volonté diabolique de prédominance de l’État sur l’inviolable Divinité, c’est-à-dire sur le sacré qui donne le sens de Vérité à l’existence humaine elle-même. L’éloignement du Transcendant, de Dieu et de Ses lois ne fait qu’abrutir les hommes jusqu’aux idées les plus folles et antiéconomiques.
  • Faites nous un exemple.
  • Prenons l’endettement des États. Le dernier calcul fait vient de certifier la dette mondiale à 235% de ce que l’humanité est capable de produire en un an : c’est-à-dire qu’il faudrait travailler presque trois ans sans environs rien consommer pour la rembourser (sans compter les gigantesques intérêts à toujours payer cash !). Et, on est contrait de constater que cette dette ne s’arrête de croître contre toute déclaration de devoir au moins la diminuer. Ce qui amène à conclure que non seulement on va vers une certaine dévastation encore plus grave – une faillite – mais on y est déjà. Les générations actuelles font payer irresponsablement aux suivantes la teneur de vie qu’elles s’accordent « à crédit » par le truchement criminellement voleur de l’État.
    C’est-à-dire qu’elles volent le futur en installant, de surcroît, une classe incroyable de parasites rentiers à haute revenus dans l’histoire : le soi-disant pouvoir financier !
    Par principe l’État ne doit pas avoir de dettes, mais plutôt il doit engranger des réserves afin de pouvoir faire face à des possibles (et malheureusement fréquentes) catastrophes naturelles : comme il est habituel auprès des bons pères de famille prévoyant, quoi.
  • Passons au plan professionnel. À votre âge vous continuez a à travailler mais en deuxième ligne, car votre fille s’est chargée de diriger votre head office de Bruxelles et les sièges actuels (et futurs) dans tous les continents. Quels sont les nouveautés que vous pouvez vérifier dans la stratégie de vos marchés de services multilingues et de communication ?
  • Sur le plan stratégique, presque aucune ! La crise économique a seulement ralenti les processus. L’unique évidence que l’on peut constater en forte progression est le degré d’informatisation. Mais le secteur de la communication pragmatique et marketing est parmi les moins « robotisables » : il ne faudra qu’intégrer – si on ose dire – toutes les activités propres à la publicité afin de réduire les temps de fourniture dans la qualité en rendant les prix de vente accessibles et compétitifs à toute entreprise. Surtout aux petites afin qu’elles puissent accéder facilement à la communication dans plusieurs marchés, multilingues bien sûr.
  • Il faut constater tout de même que dans les dernières années la grande partie des entreprises a dû lutter pour ne pas faire faillite ou ne pas fermer boutique…
  • Et certainement pas pour se développer en investissant et pour faire face aux problèmes basiques de la qualité linguistique et géo-marketing propre à la multilocalisation. La crise économique coûte cher. Très cher !
  • Mais ainsi, il s’est enraciné l’idée que la qualité linguistique, donc de la communication, ne puisse se produire qu’avec des free-lances.
  • Et pourtant, même le meilleur des free-lances ne peut pas éviter de se tromper occasionnellement en orthographe, en syntaxe, en adéquation terminologique, en géo-stylistique ou en fidélité sémantique ! D’où l’indispensabilité de réviseurs et homogénéisateurs lexicographiques qui assurent également la responsabilité contractuelle unique et globale de la confidentialité. Et de la continuité pertinente sur le plan publicitaire qui seul un siège glocalisé peut garantir. La permanence de la crise économique cristallise aussi l’obsolescence dans l’innovation, même juridique.
  • Il faudra profiter pour intégrer également tous les services de la communication publicitaire et marketing dans les désormais insuffisants services de la communication publicitaire et marketing.           
  • Pour les agences de pointe, il est inévitable. Déjà aujourd’hui il y a une supériorité certaine bien structurelle : sur le plan glocalisé outre qu’en graphisme illustratif. Et aussi en marketing outre qu’en capacités créatives par rapport à beaucoup de soi-disant agences publicitaires, même encore grandes mais monolocalisées !
  • Il faut également mettre ou remettre en place une capacité composite de plusieurs métiers spécialisés (pas tous naturellement, les principaux !) avec plusieurs agences glocalisées en autant de sièges que de langues pour les marchés cibles…
  • Oui, mais cela n’est pas vraiment nouveau : déjà il y a plus de vingt ans je parlais dans ces termes. La véritable difficulté est située sur le plan entrepreneurial et intrapreneurial. Lorsque toute à l’heure je faisais allusion à l’étatisme triomphant et à la domination du réductionnisme idéologique (par exemple, la pensée unique ou le politically correct), je pensais à l’éloignement que nos contemporains ont déjà creusé en rapport à ces vérités factuelles.
    Elles ont la même racine : la domination tous azimuts de l’État sur la Personne qui, par contre, ne dépend – comme toujours – que de son Créateur. Les populations s’y rebiffent, même si non complètement conscientes. Cette pernicieuse domination prend naissance de la réduction constante et systématique des mêmes lois vers la banalisation superficielle des soi-disant valeurs matérielles et faussement hédonistes. Les conséquences sur le plan de la conception publicitaire et de la communication sont énormes et encore largement incomprises.
    Il y a de l’innovation à réaliser dans l’air !
  • Pourquoi devenir entrepreneur serait-il en antagonisme avec la légèreté du divertissement et du plaisir ?
  • Il n’y a aucun antagonisme ! Le problème réside dans le fait qu’il ne s’agit pas, très couramment, de « divertissement » et de « plaisir », mais d’« aliénation » et de « fuite du vide existentiel ».
    Et comme le devenir entrepreneur (dont deux sur trois dans les prochaines dix ans ne sont même pas encore là) coïncide avec la maîtrise de la réalité tout en demeurant dans la conscience de sa propre créaturalité toujours fragile, l’étatisme et le réductionnisme contemporains ne font qu’entraver les vertus d’entreprendre.
  • Mais les entreprises de communication classiques sont bien là pour s’en occuper…
  • C’est vrai, je ne l’oublie pas. Mais l’idéologie massifiée est également de mise dans les directions des agences publicitaires et multilingues ! L’étatisme sur le plan matériel et économique, avec son expropriation culturelle, provoque le réductionnisme spiritualiste avec la réification superficielle de toute valeur réelle, au même titre que celle religieuse (qui par ailleurs concerne la totalité de l’existant) : les milieux professionnels, notoirement bornés sur ce plan, sont loin de comprendre ces mutations radicales. Il s’agit là, à vrai dire, de la nouveauté fondamentale dans la communication dont vous m’avez questionné tout à l’heure.
  • Vous voulez dire par là que toute la civilisation occidentale a été dévastée par la déchristianisation de nos sociétés et par le réductionnisme de la sécularisation ?
  • Exactement, sans aucune idée passéiste toutefois ! Entreprendre signifie lier et intégrer toute sa propre existence à la Création continue divine dont seulement la première partie a été accomplie par le geste infiniment réalisateur du Dieu créateur. Toute la civilisation occidentale, c’est-à-dire  chrétienne, s’est réalisée dans la continuité globale de cette dimension que le modernisme idéologique (non la vraie modernité !) est en train de défaire et bouleverser.
    Ainsi que la Famille a été ruinée et presque détruite sur le plan théorique et existentiel, l’entreprise a été victime de l’anonymat abstrait relatif au soi-disant productivisme utilitaire.
    Un certain refus du travail généralisé et paradoxal en est le résultat. Cela explique bien la crise actuelle de la communication et de la publicité à laquelle il faut encore trouver la solution historique. D’où les chances des nouvelles agences de communication multilingue et glocalisée.
  • Comment pensez-vous expliciter le sens positif des choses et votre attitude confiant en dépit de votre position on ne peut plus critique par rapport au futur immédiat du monde ?
  • La crise de la communication ne coïncide nullement avec celle monde ! Regardez les magnitudes océaniques des phénomènes généralement encore incompris. Comme ceux de Trump, Brexit, des gouvernements insoumis (polonais, hongrois, slovaque, slovène, autrichien, italien, espagnol… Ou bien comme le problème central de l’étatisme et de la réputation européenne)… Les communicateurs, surtout professionnels, ont beaucoup de mal à suivre (lorsqu’ils y arrivent !) et courir après la réalité : ils devraient l’anticiper !
    Je dois donc et avant tout remercier la dynamique du travail que la Tradition chrétienne appelle toujours « rédemptrice ». Je n’ai pas peur à le dire de cette façon classique et considérée même bigote. Elle, en effet, entraine avec confiance – contre toute opinion apparemment courante – chaque homme qui s’abandonne à la simple projectualité de l’éternelle Création. Celle-ci est structurellement contraire au nihilisme fataliste et erronément opportuniste qui ne fait que générer des sains changements d’espoir. On est obligé à faire des nouvelles analyses tout de même rationnelles et non illusoires. Et que deux des trois vertus théologales – l’Espoir et la Charité, outre à la toujours incertaine Foi – induisent immanquablement à l’innovation.
  • Une dernière question avant de vous remercier pour les réponses toujours pertinentes, étonnantes et très nettes. Et pour vérifier si, malgré tout, vous avez toujours l’espoir outre que la foi que vous affichez, en contre-courant, pareillement en publique. Ne croyez-vous que ce type de langage ne soit pas trop négativement perçu à l’encontre de votre discours de vérité ?
  • Les mots et les expressions idiomatiques du passé qui identifient la culture à la base de la civilisation occidentale – désormais apparemment dépourvue de la Vérité chrétienne – doivent être reprises même littéralement car laïcistiquement méconnues ou désuètes par le réductionnisme généralisé, dit « moderne ». Mélangé à un style très marketing, culturel et actuel j’utilise ainsi  sciemment ces termes apparemment obsolètes et inactuels, car les communicateurs professionnels doivent toujours anticiper les tendances plutôt que se limiter tragiquement à les suivre d’une façon conformiste quasi toujours inefficace et hautaine !

De nos jours le misérable abrutissement réductionniste se présente brillamment effronté et gagnant dans le contexte appauvri et mutilé du débat soi-disant moderne (en réalité très tragiquement moderniste !).  D’où il apparait indispensable reconstituer anticipativement, avec nouvelles et ancienne paroles et un style haut et à la fois bas, l’univers global et totalisant désormais perdu même sur le plan lexical.

C’est pour cela que l’auto-laïcisme, soutenu même par une partie importante du clergé catholique, constitue l’ennemi le plus radical du futur et de l’économie.

 

 

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